Pourquoi la forêt joue un si grand rôle dans les contes merveilleux ? Qu’est-ce qu’elle représente pour nous, lecteurs et auditeurs de ces récits millénaires ?
Lieu sauvage, incontrôlable, abritant de multiples dangers, ou alors lieu de quête, d’affrontement, de combat…
Nos ancêtres, vivant dans la nature, ont été confrontés à des loups et des ours sauvages, à des brigands, se cachant dans la forêt… Aujourd’hui, dans nos sociétés citadines et surpeuplées, nous parlons au contraire de la forêt comme un environnement bienfaisant et guérisseur, nous proposons de la « sylvothérapie », développée par le gouvernement Japonais dans les années 80, autrement dit des « bains de forêt » (1),
Moi je sens les bienfaits, quand j’y vais, dans la forêt. Je marche, je m’assieds, je me couche par terre, je hume les parfums, je regarde, je touche, je suis. Comme monsieur Jourdain dans le Bourgeois Gentilhomme qui faisait de la prose sans le savoir depuis toujours (2), moi j’ai besoin de mes bains de forêt quotidiens pour mon équilibre depuis des dizaines d’années. J’aime la forêt. J’aime les esprits de la forêt. C’est étrange de dire ça, car je ne les vois pas avec les yeux. Je ne vois pas de jolies fées aux ailes scintillantes, d’elfes dansantes, de lutins espiègles, de nains aux chapeaux rouges, ou tout autre membre du petit peuple de la forêt décrit dans les contes et les légendes.
Non, je ne les vois pas, mais je les ressens avec le cœur. En marchant dans la forêt, en me reliant à tous ces arbres, je sens de la bienveillance, de l’accueil, de la bonté, de la compassion, de la tranquillité. La nature m’aide à me connecter à la dimension du cœur, de mon cœur, cette source de paix et de gratitude que nous portons tous en nous ….
C’est peut-être pour cette raison là que dans les contes, l’aide se présente souvent dans la forêt, du moment que l’on sait la reconnaître …
Le conte suivant, inspiré d’une séance avec un cliente, met en scène notre mental, la partie de nous qui se sent très important, pressé, ayant un but précis en tête. Le petit lutin avec la fronde qui fait trébucher le cheval du héros nous invite à lâcher prise, et à nous abandonner aux énergies aimantes, pleine d’amour et de compassion, de notre cœur.
Le petit lutin espiègle
Il était une fois, un jeune homme qui travaillait beaucoup. Tout ce qu’il avait à faire, il le prenait très au sérieux. Car la vie fut chose sérieuse, très sérieuse, lourde et pas drôle. Fallait travailler, souffrir, se batailler. Le jeune homme se sentait souvent fatigué et irritable.
Un jour, alors qu’il devait partir pour accomplir une mission importante, il scella son cheval et galopa à toute vitesse à travers le paysage. Au moment où il traversait une forêt, le cheval voulait ralentir, car des branches basses lui barraient la route. Son cavalier, courbé, concentré, poussait ses mollets dans son flanc pour que le cheval continue à la même vitesse.
” Vite, vite, c’est très important !!!! Je n’ai pas beaucoup de temps !”
Soudain, le cheval trébucha. Le jeune homme se retrouva par terre, le nez dans le sol odorant. En levant la tête et il vit le cheval trottiner tranquillement vers un buisson, pour aller grignoter de petites feuilles vertes.
Au moment où il voulut se mettre à genoux dans l’idée de remonter à cheval, il se retrouva nez à nez avec un drôle de petit être. Tout petit, de vert vêtu, des cheveux roux en bataille, le petit nez en trompette plein de taches de rousseur. Un enfant ? Un lutin ? Avec un regard espiègle, il sourit au jeune homme, tout en tenant une fronde dans sa petite main. Le jeune homme regarda la catapulte, puis il tourna la tête en direction du cheval. Le visage de l’enfant-lutin afficha un grand sourire. Le jeune homme sentit monter la colère en lui.
” C’est toi qui as fait trébucher mon cheval avec ta fronde ! Tu nous as lancé une pierre ! Mon cheval aurait pu se blesser ! Tu m’as fait tomber, moi ! J’aurais pu me blesser aussi ! Et en plus je suis très pressé ! Comment as-tu osé …. “
Le lutin a haussé les épaules, tout en se mettant à rire. Un rire qui fendit son petit visage en deux, et qui lui donna un air très comique. Malgré lui, le jeune homme sentit les coins des lèvres se courber. Le lutin se retourna et commença à partir. En tournant la tête il fit un petit geste de la main. Suis-moi ! Le jeune homme se surprit à vouloir le suivre. Sa curiosité et quelque chose qu’il n’arrivait pas à définir l’emportèrent sur le sentiment d’être pressé. Sa mission lui sembla d’un coup moins importante. Le lutin, qui l’attendit, lui tendit sa petite main, et il l’emmena vers une clairière dans la forêt. A son grand étonnement, l’homme découvrit tout un cercle d’enfants lutins rieurs, qui semblaient l’attendre.
Il y avait des garçons, il y avait des filles, et tous avaient des taches de rousseur sur leurs petits visages drôles. Des murmures, des gloussements parcoururent le cercle, dans une énergie d’attente joyeuse.
Le petit lutin emmena le jeune homme au centre du cercle, et il tira sur son bras pour qu’il aille s’asseoir.
Le jeune homme regarda autour de lui, et quand il vit tous ces visages souriants, il commença à rire malgré lui, et son rire se déploya et il ouvrit ses bras et tous les lutins se ruèrent sur lui.
Ils lui firent des bisous, des étreintes, il sentit son cœur se dilater. Tant d’amour joyeux et joueur, tant de chaleur, de légèreté ! Il laissa cet amour l’entourer, se diffuser en lui, et tous ensemble, lui et tous les lutins, ils ont formé comme un cœur immense.
Après un long moment, le jeune homme ouvrit les yeux. Il était seul dans la clairière, qui baignait dans la lumière douce du soleil. Un peu plus loin, son cheval broutait de l’herbe. Le jeune homme rejoignit son cheval.
Le cœur léger et un sourire aux lèvres, il poursuivit son chemin.
Notes :
1) Jean-Marie Defossez, Sylvotherapie, le pouvoir bienfaisant des arbres
2) Molière, le Bourgeois Gentilhomme, Comédie-Ballet : « Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien »
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